.png)
Accompagner la voix ne s’improvise pas : enseigner le chant sans formation ou réelle expertise, un risque bien réel
- MÈVA
- 24 juin
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 juin
Quand l’intuition remplace la compétence
Il y a un éléphant dans la pièce est il est impératif d'en parler...
Depuis quelques années, je constate une montée préoccupante d’approches improvisées dans le domaine de la voix. Des personnes, souvent animées de bonnes intentions et sincères dans leur démarche, proposent des cours de chant ou des ateliers vocaux intuitifs… sans formation crédible en chant, en technique vocale, ni réel parcours professionnel ou expérience significative en tant qu’interprète. Le problème, ce n’est pas l’intuition, qui est précieuse et nécessaire. Le problème, c’est quand l’intuition remplace totalement la compétence.
Plusieurs collègues et moi la première avons consacré notre vie à nous former, à approfondir, à questionner chaque aspect de la pédagogie, du chant et de la voix. Nous avons étudié, exploré, pris le temps, des années pour comprendre et mûrir, et plusieurs cumulent une solide expérience de la scène ou du métier de chanteur·euse. Bref, c'est notre métier, celui d’enseignant·e du chant, et ce métier, je l'aime profondément.
Je ne dénonce pas par arrogance. Je le fais parce que c’est une question d’éthique, de respect et de responsabilité. Se lancer dans l’enseignement du chant sans en avoir les compétences, ce n’est pas anodin. Quand on touche à la voix humaine, on touche à quelque chose de profond, de vivant, de fragile parfois. On a le devoir de savoir ce qu’on fait ou de reconnaître quand on ne le sait pas encore en référant les gens aux personnes compétentes dont c'est le vrai métier.
Être professeur de chant, ce n’est pas quelque chose qu’on improvise après seulement quelques cours, une courte formation et/ou une bonne dose de volonté ou d'intuition. Tu peux, oui, t’autoproclamer coach vocal. Mais tôt ou tard, tu risques de nuire à la voix de quelqu’un qui croyait pouvoir te faire confiance et tu risques aussi de frapper un mur. Et ce mur, il est peut-être ici, dans ce genre de prise de parole que tu es en train de lire.
Enseigner le chant sans formation : une tendance risquée
Je reçois régulièrement dans mon studio des personnes qui, après avoir suivi ce type d’approche, présentent des tensions, des douleurs ou une profonde incompréhension de leur voix malgré toutes ces heures de formations suivies et d'argent dépensée. Beaucoup n’ont reçu aucune explication concrète sur l’appareil vocal et ont été amenées à faire des manœuvres vocales risquées. Certaines formations intuitives laissent les chanteur·euse·s dans la confusion : des sensations vagues, peu de résultats tangibles, et parfois même des limitations vocales accrues. Mais attention : la voix est un instrument vivant. On ne l’aborde pas sans précaution.
Il n’existe actuellement aucune régulation officielle au Québec, ni en France concernant l’enseignement du chant. Résultat : n’importe qui peut s’improviser et s'autoproclamer « coach vocal » ou « guide de la voix ». Ces personnes proposent des séances individuelles, sans maîtriser les bases anatomiques, physiologiques ou techniques qui protègent la voix. Certains vont même jusqu’à exiger des honoraires comparables à ceux de véritables professionnels du milieu.
Aussi sympathique que ces personnes parraissent être, cela demeure profondément injuste et risqué pour les élèves, qui investissent temps et argent dans des approches non fondées, sans se douter qu’ils seront, au final, lésés.
L’enseignement du chant, une vraie discipline
L'enseignement du chant est une discipline complexe qui demande des années de pratique, de formation, de rigueur et d’expérience. Une réelle connaissance du corps, des mécanismes vocaux, des enjeux émotionnels et psychologiques. Le métier de prof de chant ou de coach vocal est magnifique, oui, mais il mérite d’être exercé avec sérieux, engagement et respect autant pour les élèves que pour la profession. Un accompagnement vocal compétent peut transformer une voix, une vie. Un mauvais accompagnement, lui, peut laisser des blessures durables.
Enseigner le chant sans formation ou expertise réelle, c’est exposer ses élèves à des risques qu’on ne maîtrise pas soi-même.
Ce n'est pas parce que j'ai lu quelques livres de psychologie, que j'ai suivi un cours en psychologie à l'Université, que j'ai eu une formation en psychoéducation, que j'ai lu une trentaine de livres en développement personnel et que j'ai travaillé sur moi-même toute ma vie, que je peux pour autant m'autoproclamer psychologue. Il en va de même pour l'enseignement du chant.
Comme le disent plusieurs collègues : « S’il vous plaît, respectez notre métier. »
Respectez ceux et celles qui ont investi des années à se former, à perfectionner leur art, à approfondir leurs connaissances, et qui continuent encore aujourd’hui d’évoluer dans leur pratique.
Quand l’intuition remplace la compétence
Même si les intentions sont bonnes et les personnes bienveillantes, il reste important de distinguer une approche intuitive d’une pratique professionnelle. Enseigner le chant ne devrait pas être basé uniquement sur des ressentis personnels ou une exploration autodidacte. J’ai déjà entendu certaines personnes affirmer que la technique vocale n’était pas importante, 😐 ce qui est, selon moi, non seulement inexact, mais potentiellement risqué et inconscient.
Certains sites web bien conçus peuvent donner une impression de professionnalisme, ce qui rend difficile pour le grand public de distinguer les accompagnants compétents de ceux qui ne le sont pas. Par souci d’éthique et de respect, il serait juste que les personnes n’ayant ni formation en technique vocale ni véritable expertise le mentionnent clairement à leur clientèle. Cette transparence devrait apparaître dans leurs publications, sur leurs sites et dans leurs communications. Quand on touche à la voix humaine, la clarté et l’intégrité ne sont pas un luxe, ce sont des responsabilités.
Comment reconnaître un professeur crédible ?
Avant de suivre un cours de chant ou un atelier vocal, posez des questions.
Voici quelques éléments à vérifier :
Quelle(s) formation(s) complétée(s) et reconnue(s) le ou la professeur·e a-t-il ou elle suivie en chant, technique vocale, pédagogie, vocologie, interprétation ?
Est-ce que la personne détient une formation en chant adhéquate et crédible ou autodidacte ?
L’école ou l’institut est-il réellement reconnu dans le milieu vocal ou artistique ?
A-t-il ou elle une réelle expérience de scène ou de studio ?
Peut-on entendre des extraits vocaux de son parcours professionnel ?
Est-il ou elle reconnu·e par ses pairs dans le milieu ?
Est-ce que son approche protège l’intégrité vocale ou encourage l’effort excessif ?
Est-ce une approche alternative (corporelle, somatique, holistique, intuitive, etc) ?
Si ces approches constituent la ou les seules formations de l’intervenant, elles ne suffisent pas pour enseigner le chant de façon sécuritaire. Par respect et par éthique envers la profession, elles devraient toujours être complémentaires à une formation solide en chant.
Soyez vigilant·e·s !
Même les pros doivent continuer à se former
Même les professeur·e·s de chant ayant reçu une formation initiale solide devraient continuer à s'intéresser aux nouvelles recherches en science vocale et se mettre à jour. Les connaissances en technique vocale, en pédagogie, en physiologie de la voix et en vocologie évoluent constamment. Il est donc essentiel, pour rester pertinent et efficace, de mettre à jour ses compétences tous les deux ou trois ans. C’est une question de rigueur, mais aussi de respect envers les élèves qui comptent sur nous pour les guider avec justesse.
Les personnes qui souhaitent se former pour devenir professeur·e·s de chant ou coachs vocaux peuvent le faire de manière sérieuse et encadrée, comme l’ont fait des milliers de professionnels avant eux. Cela passe par une formation en chant au niveau collégial ou universitaire, ou encore par l’obtention d’une accréditation complète (pas seulement quelques cours ou stages) dans une méthode reconnue et crédible comme la CVT, EVT, TCM, SLS, etc. Il est également possible de se bâtir une crédibilité en menant une carrière professionnelle ou semi-professionnelle en tant que chanteur·euse, en enregistrant des albums et en étant reconnu·e par ses pairs dans le milieu.
De plus, il est essentiel de savoir bien chanter soi-même avant de pouvoir enseigner le chant. Sans cette base, il devient difficile de saisir certaines subtilités techniques et de transmettre les bonnes informations. Un·e professeur·e de chant devrait être en mesure de démontrer ses compétences à travers des enregistrements vocaux crédibles, témoignant de sa maîtrise de l’instrument.
En conclusion : la liberté n’exclut pas la rigueur
La voix est un instrument vivant. Elle ne se transmet ni à l’aveugle, ni au hasard. Son accompagnement demande compétence, sensibilité et responsabilité. Méfiez-vous des approches qui affirment qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une formation pour enseigner le chant, ou que la technique vocale est secondaire. Dans la grande majorité des cas, ces discours viennent justement de personnes qui n’ont pas elles-mêmes reçu de formation sérieuse.
Il existe d’excellents profs et coachs vocaux en Estrie, ainsi que des approches vocales holistiques profondes et sérieuses, offertes par des personnes compétentes et bien formées. La passion, l’intuition et l’expérience personnelle ont leur place. Mais elles ne remplacent jamais un savoir structuré, une pratique encadrée et une responsabilité réelle envers les voix qu’on accompagne. L’enseignement du chant est une profession qui mérite d’être honorée à sa juste valeur avec éthique, honnêteté et respect.
Avec toute ma sincérité, et le désir profond de voir les voix s’épanouir dans la conscience et le respect.
MÈVA 🙏💙😊
Les Ateliers Voix-Somatique, une offre unique en Estrie
J'offre des formations en petit groupe, en présentiel à Sherbrooke. Aucune expérience en chant requise, juste l’envie d’explorer et de se laisser guider !
Mon objectif n’est pas seulement d’aider les participants à chanter mais de leur permettre de le faire en conscience, avec justesse, avec sécurité, et avec joie.
